« Les métiers du transport (marchandises et voyageurs) et de la logistique continuent d’offrir des perspectives d’emplois, même en cette période de crise économique, atteste Laurent Pottier, Agefiph Bretagne. L’évolution des technologies dans les véhicules, notamment la généralisation de la boîte robotisée et la réforme des permis de conduire depuis le 19 janvier 2013, rend désormais possible l’accès des postes de conduites à différents types de handicap moteur. » L’Agefiph et les deux fédérations professionnelles régionales du transport, FNTR et FNTV, ont procédé à l’accessibilité du parcours de formation dans les métiers de la conduite routière en créant en septembre 2012 une nouvelle prestation d’évaluation des capacités fonctionnelles pour vérifier les possibilités d’accès aux métiers de conducteur routier. « Cette prestation, poursuit Laurent Pottier, s’adresse à des conducteurs en situation de handicap possédant déjà leurs permis du « groupe lourds » ou de futurs candidats souhaitant valider un nouveau projet professionnel de conducteur routier marchandises ou voyageurs et confrontés à des restrictions d’aptitude médicale à la conduite routière et aux activités annexes comme par exemple le décrochage d’une remorque.

Yves, handicapé moteur, va conduire un bus de Linevia

Yves Guillemot, est né à Rennes. A 17 ans, un accident de mobylette, interrompt brusquement tous ses projets. « Je me suis retrouvé monomanuel avec le bras gauche totalement immobile. Mais je me suis accroché malgré tout et j’ai passé mon permis de conduire. Je voulais être autonome à tout prix ». Yves suit sa compagne à Paris où il travaille à la mairie pendant quelques années avant de revenir à Pontivy où il exerce un emploi d’auxiliaire à la vie scolaire. « J’ai alors été tenté par le métier de conducteur pour le transport de personnes et ai cherché à passer le permis D. » En 2015, il découvre l’initiative, unique en France, qui a vu le jour deux ans auparavant en Bretagne, permettant aux chauffeurs handicapés d’espérer pouvoir à nouveau reprendre la route et conduire poids-lourds et autocars. Cap emploi Atlas du Morbihan l’aide à monter son dossier. Mais Yves doit trouver un emploi, condition nécessaire pour intégrer la formation de l’Aftral : « J’ai sollicité l’entreprise Linevia qui a tout de suite proposé de me rencontrer… malgré mon handicap ! Grégory Deshayes, l’un des responsables à Rennes m’a accueilli et m’a rapidement proposé un poste de conduite de car pour transport scolaire. C’était incroyable ! J’avais trouvé mon ange gardien… »

Combattre représentations et a priori

Yves et sa famille emménagent alors à Saint-Jacques-de-la-Lande et commence la formation au centre Aftral à Cesson-Sévigné : « On était 12 à vouloir se former en conduite pour transports en commun, tous motivés. J’ai passé différents tests qui ont confirmé mes capacités. Grâce au simulateur de conduite et avec le soutien de l’ergothérapeute Marie-Christine Guilgars, nous avons pu concevoir l’aide technique qui m’était nécessaire pour conduire. Et j’ai obtenu mon permis en mai 2016. Enfin, une formation qui débouche sur un travail ! » Yves s’apprête à commencer son travail dans quelques semaines. Le véhicule qui lui est dédié dispose d’une boite automatique – il y en a quatre dans l’entreprise : « J’ai juste à installer une boule au volant quand je prends mon service. Je dispose ainsi de toutes les commandes dans le creux de la main. Les collègues sont accueillants et respectueux. Conduire avec des enfants, ça ne dérange pas car je sais qu’ils seront respectueux. Je crains plus le regard de certains parents… A moi de les rassurer et de leur prouver que je suis compétent dans mon métier et qu’ils peuvent être confiants. »

A l’entreprise de rendre le poste accessible !

L’entreprise Linevia a été créée à Guer (Morbihan) en 1934. Elle assure aujourd’hui le transport scolaire en Ille-et-Vilaine, en Loire-Atlantique et dans le Morbihan ainsi que plusieurs lignes suburbaines dans l’agglomération rennaise, pour les pays de La Gacilly et de Guer, les communautés de communes du Val d’Oust et de Lanvaux, Loire Sillon, Vitré : « Notre flotte dispose de quelque deux cents véhicules, confie le PDG, François Herviaux. Nous employons quelque 200 salariés répartis dans les secteurs administratif, de la maintenance, des conducteurs en périodes scolaires et autres conducteurs. Nous avons avant tout besoin de professionnels avec des compétences. Lorsqu’il y a une situation de handicap, nous pensons que c’est à l’entreprise de s’efforcer de rendre accessible tous les postes de travail. A nous d’être imaginatifs pour diminuer les écarts, amoindrir la hauteur de marche pour que chacun puisse exercer le métier qui lui convient ! »